C’est drôle, quoi que pas tellement en réalité, mais j’ai toujours cru que Tsukasa Hojo avait d’abord écrit et dessiné City Hunter pour asseoir sa réputation afin de plus tard nous faire parvenir Cat’s Eye. Il est vrai que je tiens ces histoires de péronnelles pour un art mineur comparées aux frasques de Saeba.
Le fait est que, s’il n’y avait pas eu quelques divagations douteuses dans son parcours, j’aurais aimé à penser que Tsukasa Hojo avait consacré sa vie à faire grimper le taux de testostérone de ses semblables. Lui qui n’aime que trop dessiner les femmes et nous les présenter sous leurs plus beaux atouts – en body moulant, c’est encore mieux – tout en glorifiant plus tard le Magnum et le Love Hotel ; y’avait comme un projet lové dans son art.
Avant qu’il ne soit autrement mieux abouti, je dois dire que le style graphique de l’auteur pour l’époque, à savoir 1981, m’apparaît comme quelconque. Lui, dont le trait portait presque à lui seul l’empreinte d’une époque toute entière a commencé avec des compositions plutôt classiques, légèrement plus matures dans les tons que ce qui se faisait alors dans un magazine Shônen, mais sans se démarquer franchement en matière de style. D’autant que je crois percevoir clairement la patte d’un homme qu’il devait considérer comme un maître en la matière, celle du maintenant regretté Buichi Terasawa. La proximité du dessin avec celui de Cobra, une fois répliquée dans notre rétine, ne la quitte plus.
Coutumier de formules dont il ne dérogera jamais clairement, Tsukasa Hojo a ici aussi répandu son intrigue en une série de petites aventures amenées à se succéder sans développer réellement une trame à même de consolider son récit. Toujours rivé au même fil conducteur du téléphérique qui nous entraîne, l’histoire, jamais, ne se renouvelle. Non seulement ça, mais il faut qu'elle ait pour postulat cocasse celui d’une criminelle cambrioleuse fiancée au détective chargé de la retrouver, elle et ses complices.
La lassitude nous guettera bien assez tôt.
Il n’y a trop rien ou bien peu de choses qui permettent de distinguer les trois protagonistes en terme de personnalité, d’autant qu’Hitomi fait ombrage à ses deux comparses. Ai est la plus dynamique des trois, Rui la plus sérieuse et froide, Hitomi n’étant finalement qu’un entre-deux très archétypique et inintéressant. Comme le seront par ailleurs tous les personnages d’un manga qui n’a apparemment pas la prétention de chercher à se déer ou même élaborer quoi que ce soit à quelque instant de sa publication.
Cat’s Eyes est un perpétuel recommencement. La légèreté des gags ne vise pas assez juste pour toucher, les aventures – fidèles là encore au schéma de Cobra lorsque l’on y réfléchit – ne se renouvellent pas suffisamment afin que le lectorat échappe à la routine. Disons-le… c’est un feuilleton. Ça distrait vaguement lorsqu’on a un quart d’heure à tuer, il n’y a cependant guère plus à retirer de l’expérience.
Que les aficionados me portent la contradiction en me répondant honnêtement : seraient-ils capables de se remémorer, sans consulter le manga, de cinq, sinon trois péripéties de Cat’s Eyes. Une fois que les brumes de la nostalgies ont été soufflées, on ne révèle souvent que le désert.
Qu’en plus, des histoires amoureuses – frivoles, certes – se greffent à l’affaire n’agrémente guère l’éventuel plaisir qu’un jeune homme pourrait tirer de sa lecture. Car c’était alors publié dans le Shônen Jump. Je n’ai jamais compris pourquoi il arrivait aux maisons d’éditions d’éditer bien dessinées, y’avait pas matière à satisfaire ses aspirations de jeunesse.
Plus les chapitres ent, et plus Toshio nous apparaît comme l’évident prototype de Ryo Saeba. Cela met le temps avant d’être incontestable, puisqu’on n’y prend pas garde un chapitre après l’autre ; mais il finit par lui ressembler même physiquement au point qu’on ne saurait les distinguer en aucune manière.
Oui, Tsukasa Hojo n’est décidément l’homme que d’une recette, et il ne changera jamais ses ingrédients ou sa vaisselle au moment de nous la faire goûter.
Le feuilleton, copieusement garni à l’eau de rose, ose nous jouer le coup de l’amnésie par méningite interposée pour que se clôture la biture. C’est franchement niais. Pas suffisamment pour qu’on s’en courrouce, d’autant qu’il n’y a précédemment pas matière à en espérer mieux… C’est un feuilleton quoi ; un soap comme qu’on dit par chez les nippons. Je ne sais honnêtement pas à qui peut être destiné ce genre de comédies romantiques qui ne sont d’ailleurs, ni drôles, ni adorables, le fait est que cela avait à l’époque rencontré son public. Force est de constater cependant que Tsukasa Hojo aura su mieux transformer l’essai avec l’œuvre qui suivra à son palmarès qui, elle, parlera – et éloquemment – à bien plus de monde.