Frankenstein’s Army est un objet filmique non identifié, quelque part entre le film de guerre, l’horreur rétro et la farce morbide. Richard Raaphorst y développe une idée aussi démente qu’originale : et si les nazis avaient tenté de gagner la guerre grâce à des créatures mécaniques assemblées à partir de cadavres ? Dit comme ça, on sent déjà poindre l’humour noir, et le film ne déçoit pas sur ce point. Pourtant, derrière ce concept délirant et quelques fulgurances grotesques, l’ensemble laisse un goût d’inachevé.
Ce qui marque immédiatement, c’est le soin apporté au bestiaire. Chaque créature semble sortie de l’esprit dérangé d’un enfant élevé à la fois au cinéma de série B et aux manuels de dissection. Bras-scies, têtes-foyers et soldats à turbine ventrale : le grotesque est ici érigé en art, et les amateurs d’horreur artisanale y trouveront leur compte. Le tout est baigné dans un humour macabre assumé, où les cadavres sont recyclés avec une inventivité sinistre qui frôle parfois le burlesque. C’est le genre de film où l’on peut sourire devant l’absurde tout en grimaçant de dégoût.
Malheureusement, ce qui aurait pu devenir une satire visuelle tordue est souvent noyé dans une réalisation en found footage mal maîtrisée. Ce choix, sans doute destiné à renforcer l’authenticité du cauchemar, finit par étouffer les gags visuels et rendre l’action difficile à suivre. L’humour noir perd en impact lorsqu’il est flou ou haché, et certaines scènes qui auraient pu être mémorables sombrent dans le brouillon.
Le scénario, très mince, sert surtout de tremplin à la débauche de créatures et de situations surréalistes. Les personnages sont à peine esquissés, souvent caricaturaux, ce qui n’est pas nécessairement un défaut dans un tel registre, mais on aurait apprécié que l’humour noir s’étende aux dialogues ou aux situations. L’absurde est présent, oui, mais rarement exploité avec la verve ou la méchanceté grinçante qu’on aurait pu espérer. On sourit plus qu’on ne rit, et c’est là un petit rendez-vous manqué.
Je lui attribue un 5.5/10, reflet d’une œuvre qui fascine autant qu’elle déçoit. Il y a là une vraie personnalité, un ton, un univers à part, et des trouvailles visuelles qui valent le détour. Mais le film semble hésiter entre le cauchemar steampunk et la comédie macabre, sans jamais trancher franchement. À force de vouloir tout montrer sans vraiment raconter, Frankenstein’s Army devient un catalogue de bizarreries plus qu’un récit. Une expérience étrange, à réserver aux amateurs d’horreur atypique et d’humour noir teinté de rouille et de viscères.