L'Étrange Histoire de Benjamin Button par Olivier Engassac

L’étrange histoire de Benjamin Button (2008)

Pour qui connait un peu la filmographie de Ficher, Benjamin Button laisse un premier goût de perplexité : « Euh, il est où le malade mental qu’on voit dans tous les films de Fincher ? »
Fresque poétique, le film raconte l’histoire d’une vie. Revenons un peu sur le développement du film. Le scénario se base sur une histoire courte de F. S. Fitzgerald qui se déroule à Baltimore, ville portuaire de la côte Est des USA. L’histoire originale reprend le même pitch « celle d’un home qui vit sa vie à l’envers », mais sur fond de musique jazz (aspect délaissé dans le film).
Un premier scénario est écrit vers 1989 avec l’idée de laisser Spielberg à la réalisation et avec Tom Cruise dans le premier rôle. Le premier scénario ne convint pas le réalisateur, un second scénariste (Eric Roth) planche sur le projet et restera attaché jusqu’à l’aboutissement du film. On est alors au début des années 1990 mais plusieurs problèmes se posent : Comment rendre à l’écran un personnage qui rajeunit ? L’équipe songe à engager plusieurs acteurs et à utiliser du maquillage (Oh oui, on aime l’aspect caoutchouteux, Cf les vieux Cronenberg et Carpenter…). Tout le monde se dit que le rendu du film ne sera pas à la hauteur des espérances et le projet est mis de côté.
Pendant ce temps, Fincher qui a commencé à travailler chez ILM (les p’tits gars de Lucas qui ont réalisé tous les effets spéciaux de tes films préférés comme Star Wars ou Jurassic Park) s’est lancé avec Brio dans la réalisation. Se7en, Fight Club sont des réussites totales.
Le projet lui est alors confié, on déterre le scénario (on est alors pendant la production de Zodiac, son film précédent) et on recommence à réfléchir dessus. Le lieu de tournage va être modifié au profit de la Nouvelle-Orléans, plus facile de trouver des bâtiments d’époque et coût de production moins cher que Baltimore.
Pour le personnage de Benjamin, un acteur a tourné toutes les scènes avant d’intégrer en post-production le visage de Brad Pitt. On a ainsi une continuité dans le rendu visuel qui donne du cachet au personnage et permet réellement d’en faire un film de vie.
La musique du français Desplat donne une ambiance romantique, sobre mais efficace au film, dans une tradition hollywoodienne classique mais en donnant au film des thèmes facilement mémorisables.

En ce qui concerne l’histoire, j’avais été déçu au cinéma. Tout fan de Fincher, et il suffit de voir le reste de sa filmo, s’attend à voir un film au scénario tordu, avec des personnages extrêmes et dérangés dans une ambiance glauque mais parfaitement maîtrisée. La réalisation du pépère est parfaitement réussie, des plans fixes, un langage cinématographique très lisible. On retrouve cela chez Benjamin Button mais l’histoire est beaucoup plus joviale… vraiment ?
Fincher explique que ce film, que l’on peut considérer comme un film sur la vie de quelqu’un est en fait un film qui traite de… la mort. Benjamin est condamné à voir mourir tous ceux qu’il aime, à ne pouvoir s’attacher à personne car lui-même est mort avant de naître… David Fincher a lui-même perdu son père peut avant de se décider à entreprendre le film, ce qui peut expliquer son attachement à un projet pareil. On comprend mieux les motivations du gus et on retrouve surtout un aspect un peu macabre qu’il affectionne tant, même s’il ne transpose pas du tout dans le film. Par ailleurs, le film débute et se termine par l’arrivée de l’ouragan Katrina apportant une dose apocalyptique retranscrivant la même apocalypse vitale vécue par Button au cours de son existence.

Le duo d’acteur est magnifique (Cf la scène sous la coupole en pleine nuit ou Cate Blanchett dans au clair de lune), le choix des costumes superbes, une scène d’action (pendant la guerre du pacifique, sur le rafiot qui se fait attaquer par un U-Boat) parfaitement réussie, l’émotion maîtrisée à souhait sans jamais tomber dans le pathos évident, tout est suggéré. Une dose d’humour (avec le gag de répétition sur le vieil homme qui se fait électrocuter par la foudre, le personnage du Pygmée qui effraie les enfants, le capitaine du bateau alcoolique…) si bien que le film ne tombe jamais dans le film de genre, que l’on aurait pu craindre à savoir un film de romance. Le rythme est bien maîtrisé, avec quelques longueurs vers la fin, un retournement final qui survient de nulle part pour ajouter une émotion finale qui n’est pas très crédible (« …Je suis ton père…. ») mais dans l’ensemble, on peut découper le film en plusieurs actes qui apportent tous leur intérêt à l’histoire.
Pour conclure, je dirais que ce film est un grand film qui utilise à merveille les possibilités des technologies numériques pour un rendu qui n’est pas celui de l’action, une histoire éternelle qui traverse le 20ième siècle sans tomber dans le roman historique lourdingue, une histoire d’amour d’une rare beauté car elle est jonchée de rebondissement sans suivre un style classique (on se voit, on s’aime, on s’aime plus, allez si, on s’aime quand même).

L’édition collector Blu-Ray vaut son pesant, le making of du film est très complet (près de 3h30) d’où j’ai tiré certaines infos de cette critique.

Amis cinéphile, à vos écrans !
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le 7 janv. 2015

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Olivier Engassac

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