Pour son sixième long-métrage, après la très belle et surréaliste comédie Notre dame en 2019, Valérie Donzelli, réalisatrice, actrice et scénariste aux multiples talents, nous propose avec l'Amour et les Forêts, un film fort et poignant, puissant et glaçant, inspiré très librement du livre éponyme d'Eric Reinhardt.
Resserré progressivement et d'une manière de plus en plus angoissante autour des deux personnages principaux, Blanche et Greg, joués avec une intensité, une sincérité et une profondeur incroyables par deux acteurs au sommet de leur art, Virginie Efira (césar de la meilleure actrice 2023 pour Revoir Paris) et Melvil Poupaud (9 films en 4 ans dont les très bons Les Jeunes Amants, et Frère Et Soeur), le scénario s'appuie habilement sur quelques très bons seconds rôles, qui ne voient pas ce qui se trame, mettant ainsi en évidence l'isolement progressif de Blanche, personnage fragile, peu sûre d'elle et sortant d'une déconvenue amoureuse, face à Greg, un homme archi possessif doublé d'un pervers narcissique qui veut garder Blanche uniquement pour lui.
C'est ainsi presque un jeu d'enfant pour lui de l'écarter de sa famille, et notamment de sa sœur Rose, exubérante et bien dans sa peau, très habilement jouée par la même Virginie Efira, puis de la faire déménager à l'autre bout de la , dans une grande maison lugubre et isolée. Professeur de français ionnée, elle arrive à y trouver un job, une forme de liberté que Greg va très vite détester.
Le resserrement de l'étau autour de Blanche est implacablement mis en place par Greg, confine à l'étouffement, ce que le réalisateur nous fait parfaitement ressentir. On déteste le rôle joué par Melvil Poupaud, plutôt à contre-emploi, mais il est en tout point excellent ! Certes il se rend compte de son état, mais c'est pour mieux faire ressentir à Blanche que c'est de sa faute s'il se comporte de la sorte (Pourquoi tu ne me réponds pas, Tu n'as pas besoin de travailler, Pourquoi éprouves-tu le besoin de rencontrer d'autres gens, etc...). S'il prend soin de ne pas l'agresser physiquement, il est très souvent à la limite et le harcèlement psychologique en est d'autant plus fort et très bien rendu. Evidemment il profite aussi de la présence de leurs deux enfants pour culpabiliser encore plus sa femme.
La façon dont Blanche choisit de tenter de desserrer l'étau, en allant rencontrer un homme dans les Forêts, ne va évidemment pas arranger la situation, et on se demande jusqu'où sa relation avec Greg va pouvoir aller; ainsi la pression psychologique va crescendo jusqu'à son paroxysme.
Les échanges en parallèle et tout au long du film, avec une personne qu'on prend tout d'abord pour une psy (jouée par une excellente et très à l'écoute Dominique Raymond), sont bien vus car ils instaurent une prise de recul et donne l'espoir que Blanche puisse se sortir des griffes de Greg, sans rien enlever à la tension croissante mise en place avec justesse par la réalisatrice.
Parmi les bons seconds rôles, on applaudit l'amant de age, joué par l'énigmatique Bertrand Belin, très bien scénarisé dans l'ambiance forestière, la collègue de travail qui hélas ne voit rien, incarnée par Romane Borhinger, et sa compagne de chambre en maison de repos, jouée par une excellente Virginie Ledoyer, qui est d'une grande aide pour Blanche à la fin et qu'on regrette de voir si peu !
La réalisatrice nous offre par ailleurs de belles couleurs, et des jeux de lumière contrastés dans les Forêts, ainsi qu'une ambiance vintage qui accompagnent bien son thriller psychologique.
Un film à voir pour se rendre compte sur quelle pente dangereuse peuvent aller très vite les relations amoureuses avec des partenaires au comportement terrifiant, mais d'abord insoupçonnables, et ça fait froid dans le dos !