Le Guardien de l’Enfer, Kiyoshi Kurosawa, Japon, 1992, 96 min

Après la réalisation d’un segment dans un film à sketches, Kiyoshi Kurosawa revient pour son quatrième effort avec une œuvre déroutante. S’il semble avoir bien imprimé le fait qu’il peut exprimer une virtuosité dans le Cinéma d’Horreur, cela demande tout de même à s’affirmer. Avec « Le Guardien de l’Enfer », il propose un métrage à la frontière de nombreux genres, alliant le thriller psychologique à la chronique sociale en ant, avec brio, par le Slasher. Car oui, « Le Guardien de l’Enfer », du moins dans son dernier acte, est un Slasher assumé et absolument génial. Mais avant d’en arriver là, il faut être patient.


En effet, cette proposition que nous fait Kurosawa prend son temps. Elle nous entraine tout d’abord dans le quotidien d’une société spécialisée dans l’achat d’œuvre d’art. Une nouvelle employée débute dans le métier, et elle doit trouver ses marques dans un monde composé principalement d’hommes, tous un peu inquiétant. Mais le mal ne vient pas d’où on l’attend et c’est progressivement qu’il se dessine. Cette convention de la jeune femme face à une société masculine qui est une menace permanente fait partie de l’ADN du Slasher. C'est le cas depuis ses premières expressions, comme dans le « Black Christmas » de Bob Clark en 1974, qui sera repris par Carpenter dans « Halloween » en 1978.


Utilisant cependant des codifications propres au Japon, le film se montre dans un premier temps plutôt exigeant, assez flou, perdant facilement le focus, sans doute pour mieux y apporter les éléments d’horreur qui en constituent l’architecture. Avec un savant mélange d’absurde et de suspens, non pas dénué d’un certain humour, Kiyoshi Kurosawa se prête à un exercice fascinant, mêlant des notions de films Noir à la Hitchcock avec les principes du néo-réalisme hérité d’Ozu. Tout cela en modèle la forme, quand, dans le fond « Le Guardien de l’Enfer » n’est rien d’autre qu’un Slasher. Après la longue exposition, les spéctateurices les plus patient/es seront donc récompensé/es par un déluge de violence. Ce genre de bascule extrême (que n’aurait pas renié Michael Myers ou Jason Voorhes), perpétré par un individu particulièrement froid et sans expression, évoque les plus terrifiants des boogeyman d’Hollywood.


Le moins que l’on puisse dire est que le dernier acte est parfaitement jouissif, et pour qui aime le genre du Slasher, c’est de l’or en barre. Car si le récit fait bien appel aux conventions du Cinéma japonais, c’est bien dans le plus pur style du Slasher américain que Kiyoshi Kurosawa s’éclate. C’est d’autant plus fort que le film date de 1992, une époque où, après saturation du marché, le genre est tombé dans une désuétude totale. Pour exemple, la saga « Halloween » sombre dans l’enfer de l’exploitation à deux balles, et celle de « Friday the 13th » se réinvente au-delà du Slasher. « Le Guardien de l’Enfer » sort ainsi quatre ans avant le second âge d’or du genre (qui arrive en 1996 avec « Scream »), ce qui en fait à la fois un Slasher daté et un Slasher avant-gardiste.


Si l’ont peut regretter une certaine timidité dans le gore et un petit manque d’audace visuelle, « Le Guardien de l’Enfer » reste néanmoins une œuvre horrifique qui vaut le détour, pour toutes les raisons évoquées plus haut. Ce qui en fait avant tout un métrage qui se démarque c’est son atmosphère, qui annonce cette patte propre à Kurosawa. Il y a également la musique angoissante (qui n’est pas sans rappeler celle de notre Slasher français « La Cité de la Peur » en 1994) qui confère à l’ensemble un charme irrésistible. Pour quiconque parvient à entrer dans le film et son ambiance, tout le reste n’est que récompense, car Kiyoshi Kurosawa semble avoir parfaitement saisi ce qui fait l’essence même d’un Slasher. Il récite dès lors sa recette à la lettre, avec ce petit plus japonais qui en fait une œuvre vraiment jubilatoire. Ce serait dommage de s’en priver.


Stork._

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Peeping Stork

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