J'ai souvent déclaré que je n'aimais pas Metropolis, et cela parce que je ne peux pas accepter aujourd'hui le leitmotiv du message dans le film. Il est absurde de dire que le cœur est l'intermédiaire entre les mains et le cerveau, c'est à dire, bien sûr, l'employé et l'employeur. Le problème est social, et non moral (Fritz Lang, Les Cahiers du cinéma n°179, 1966).
Le réalisateur le reconnaît donc lui-même : Metropolis n'est qu'une demi-réussite (ou un semi-échec selon l'idée que l'on se fait du cinéma). En effet, la mise en scène et l'originalité des procédés techniques pour représenter cette ville futuriste et l'avènement de l'ère des machines sont d'une qualité jusqu'alors inégalée. Pour autant, dès lors que le film traite des rapports individuels, celui-ci sombre dans la facilité ou du moins, ne réussit pas à sensibiliser le spectateur.
D'ailleurs, l'aspect religieux de l'œuvre apparait davantage comme un guide à la compréhension du film pour le spectateur qu'un véritable complément à l'histoire. Ainsi, Metropolis est un film d'anticipation entièrement constitué ... d'anticipations. Par exemple, la simple dénomination des personnages permet au spectateur de connaître leur rôle à venir (le dirigeant de la ville s'appelle Joh et l'on peut facilement interpréter ce dernier comme étant Jéhovah).
Pour autant, cet aspect n'est pas forcément déplaisant puisque la machine centrale permettant à la ville de fonctionner s'appelle M et permet là encore une multitude d'interprétations intéressantes (Mutter, Maschine, Moloch, Metropolis).
Là où Metropolis atteint véritablement son objectif, c'est dans sa critique de la ville moderne, du travail à la chaîne et de la société libérale en générale. Joh dirige la ville non pas par la force mais par la communication (c'est le cerveau) tandis que Metropolis ne fonctionne réellement qu'à travers le travail fourni par la classe ouvrière vivant dans les souterrains. On retrouve d'ailleurs les thèmes classiques de Fritz Lang que sont la manipulation des masses, ou encore le parallélisme dans la construction du film (Maria prêche dans les catacombes tandis que le prêtre prêche dans une cathédrale ; le film s'ouvre sur la relève des ouvriers qui se fait dans un calme pesant tandis qu'au moment de la révolte, les mêmes chemins sont empruntés mais dans un état de hargne).
Esthétiquement, Fritz Lang présente une œuvre tout simplement extraordinaire. Bien que le réalisateur a toujours refusé que l'on considère Metropolis comme un film expressionniste, force est tout de même de constater que l'œuvre présente un aspect psychanalytique certain puisque les décors reflètent la pensée ou l'état dans lequel se trouvent les personnages (la capture de Maria par Rotwang illustre parfaitement ce procédé).
Néanmoins, le défaut majeur de Metropolis demeure sa fin (totalement ?) ratée. D'ailleurs, après réflexion, ce n'est pas vraiment sa facilité et son manque de finesse qui m'ont le plus dérangé mais davantage le fait qu'elle contredit l'intégralité de la philosophie exposée auparavant dans le film. En effet, Fritz Lang semble vouloir démontrer que la tension sociale créée suite à la modernisation de notre société est liée au fait que les deux classes ne se connaissent pas (ou ne se considèrent pas du moins comme appartenant toutes deux au genre humain) et que le seul moyen d'apaiser cette tension est l'intervention d'un médiateur. Or, tout au long du film, on s'aperçoit justement que c'est impossible. Dès lors, le spectateur ne peut à aucun moment croire en cette happy end qui lui est proposée.
Pour autant, ne serait-ce que pour l'influence majeure qu'a pu avoir ce film sur la science fiction, mais également pour sa qualité rythmique et esthétique, Metropolis, sans être un chef d'œuvre, est un très grand film qui vaut le coup d'être encore vu aujourd'hui.