Je suis totalement fasciné par l'architecture brutaliste. Je pourrais rester des heures à baver de béatitude devant la mairie de Boston ou le sanatorium de Kourpaty. L'un des moments les plus forts de ma vie, c'est une après-midi irréelle d'urbex dans Buzludzha ... Ces monuments me procurent des émotions puissantes et indescriptibles, comme une visite solitaire du colosse de Rhodes ou des jardins suspendus de Babylone.
Alors quand j'ai vu la bande annonce de The Brutalist, j'ai mouillé mon slip : une saga épique et grandiloquente qui parle de brutalisme, ça s'annonçait comme un film de rêve. En plus j'aime bien Brody et Pierce et j'adore Felicity Jones, donc bingo !
Et ben non.
Et comme chaque fois que j'ai de trop grandes attentes, la déception n'en est que plus amère. Alors déjà, je dois avouer que sur les 19 heures trente que dure le film, j'ai probablement dormi pendant 14, ma critique sera donc partielle. Mais faire dormir son public, quand on est hypnotiseur à Las Vegas pourquoi pas, quand on fait des films c'est moins bon signe. Déjà.
Vers le début du film (après 4h15 de dialogues chiants), le protagoniste réaménage avec audace un espace de lecture pour un riche client de son cousin. C'est simple, court, efficace, le résultat est magnifique, les volumes énormes accrochent la lumière avec une magie délicate, je me suis dit "ça y est, le film démarre". Et en effet, le film est déjà en train de développer son propos.
Le problème, c'est que ce film ne parle pas de brutalisme (ou alors, pendant les 74 heures où il m'a perdu dans les limbes du sommeil ? mais trop tard Gérard !). Ce que j'ai vu moi, c'est un film sur l'aliyah comme seul salut possible pour un juif de la diaspora. "Ce n'est pas le chemin qui compte - nous dit-on en morale de la fable - c'est la destination". Celui qui s'obstine dans un monde de goïm ne pourra pas s'accomplir, pire, il sera sans cesse humilié. Et comme fine allégorie de ces humiliations, on aura droit à ... des agressions sexuelles (!) infligées par ceux-là mêmes qui se prétendent insidieusement tes alliés. Alors quoiqu'on pense du message en lui-même (déjà trop sinistre et antisocial à mon goût pour un film censé parler d'architecture) sur la forme je le trouve raté, gros sabots et patati-patathos.
Mais surtout : où sont mes beaux blocs de béton brut qu'on m'avait promis ?!!
Quelle arnaque. J'ai bien fait de dormir, c'est au moins ça de gagné.