The Song of Lunch
7.1
The Song of Lunch

film de Niall MacCormick (2010)

"And yonder all before us lie / Deserts of vast eternity."

Exercice de style cinématographico-littéraire, The Song of Lunch réalise l'adaptation d'un poème de Christopher Reid — déjà original à l'origine — racontant l'histoire d'un éditeur britannique jamais nommé retrouvant son ancien amour, jamais nommée non plus, à l'occasion d'un déjeuner dans l'ancien restaurant italien de Soho qu'ils fréquentaient régulièrement du temps de leur relation. Toute l'originalité tient à la nature de la narration (partagée par l'œuvre littéraire et le film), basée presque exclusivement sur un monologue de l'éditeur alternant entre des humeurs poétiques et nostalgiques dans un premier temps, et au format adopté pour l'adaptation au cinéma (arborant la concision d'un court long-métrage de 50 minutes). Au menu de cette réunion : Alan Rickman et Emma Thompson.


La dimension ludique de l'exercice est à double tranchant, on imagine sans peine qu'elle puisse être reçue comme quelque chose de ablement pénible. Il y a même une robe de prétention pouvant envelopper le discours sans fin et quelque peu autosatisfait du personnage de Rickman, tellement occupé à manipuler le langage avec dextérité et élégance qu'il ne voit pas que la situation avec Thompson lui échappe complètement. Mais de cette prétention interne au récit peut découler une prétention extra-diégétique, dans l'effet recherché par Niall MacCormick, critique qui n'est pas totalement infondée il me semble. Quoi qu'il en soit, le portrait est saillant et malicieux : d'une situation de départ montrant l'homme en pleine possession de ses moyens, attentifs à tous les détails, précautionneux, optimiste quant au déjeuner, on évolue vers une totale perte d'adhérence, une sortie de piste remarquée et lubrifiée par la montée de son taux d'alcoolémie — alors que face à lui, la femme est d'une remarquable tenue, droite et digne.


Une grande part de la mécanique qui contrôle les enjeux e par le déraillement d'une situation qu'on croyait sous contrôle : et ce déraillement e par une lente et savante décorrélation entre les pensées du personnage masculin (qui nous sont partagées, par une voix off) et la réalité de la relation en train de se dérouler sous nos yeux. La mise en scène joue beaucoup avec l'état de confusion du mâle en perdition, ce dernier interprétant très maladroitement beaucoup de signaux de la part de son amie — un peu à l'image des conseils que donnerait un coach en développement personnel masculiniste. Une façon de tenir ses couverts, une caresse sur le revers de la main, un refus de prendre davantage de vin, etc. Peu à peu, son aigreur contamine tout et son comportement profond prend le dessus, faisant de lui un poète raté impuissant face à une femme subtile et insaisissable.


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il y a 3 jours

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Morrinson

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