Pour commencer il convient de saluer l’initiative un poil casse gueule du projet, Franck Dubosc qui se lance à l’écriture et la réalisation d’une comédie policière noire inspirée des frères Coen ce n’était clairement pas gagné d’avance. Sorti en début d’année , Un Ours Dans le Jura (outre sa polémique écologique) va assez naturellement trouver son public et un relatif bon accueil critique semblant confirmer que le comédien a pleinement réussi son pari. Après visionnage je reste quant à moi plutôt dubitatif, car si on pourra facilement classer Un Ours Dans le Jura comme l’un des meilleurs films avec Dubosc (voir le meilleur), c’est pourtant un peu juste pour en faire un bon film tout court.
Un Ours Dans le Jura raconte l’histoire de Michel qui, perdant le contrôle de sa voiture, percute un véhicule stationné sur le bas-côté et tue accidentellement l’une de ses occupantes, quant au chauffeur il meurt lui aussi en essayant de s’enfuir. Avec l’aide de sa femme en tentant de faire disparaître les corps, ils découvrent un sac rempli de billets dans le coffre du véhicule. Entre la gendarmerie qui fouine et les deux anciens cadavres qui travaillaient dans le milieu des narcotrafiquants, Noël s’annonce mouvementé pour le couple même avec plusieurs millions d’euros.
Alors oui bien sûr Un Ours Dans le Jura c’est autrement plus regardable que Camping ou Disco et Franck Dubosc réalise un film qui visuellement a de la gueule, on ne va pas non plus nier les quelques évidences Le soucis, outre la référence aux frères Coen bien trop lourde à porter, c’est que le film ne trouve jamais à mon sens le ton juste. Il y a dans ce type de projet trois aspects qui doivent être présents, se répondre, s'harmoniser et finir par former un parfait équilibre. L’aspect thriller doit tenir la route et offrir tension et suspens, la comédie doit offrir son lot de respiration et rires et la noirceur doit s’inscrire dans une relative profondeur des enjeux au point de rendre parfois la comédie grinçante voir inconfortable. Malheureusement pour aucun des aspects Franck Dubosc ne réussit pleinement à tenir ses promesses et tout n’est finalement que prétexte à comédie. L’aspect thriller est systématiquement désamorcé par des personnages bien trop caricaturaux pour être vraiment dangereux et jamais le couple au centre du récit ne semble véritablement mis en danger au point que l’on en arrive à craindre pour leur vie ou leur arrestation. On reconnaîtra à Franck Dubosc une certaine mesure et finesse dans la comédie, conscient de son sujet et de son fond dramatique, le comédien, scénariste et réalisateur nous évite ici les grosses blagues (enfin le plus souvent) et joue sur un registre un peu plus mesuré d’un humour qui n’appuie jamais ses effets. Après, est-ce que le film est drôle ? Et bien pas vraiment, tout juste pourra t-on sourire face à quelques répliques et grâce à Benoît Poelvoorde excellent en chef de gendarmerie. Quant à la noirceur du film, c'est sans doute le point sur lequel Un Ours Dans le Jura va se planter le plus lamentablement en tournant au comique toute gravité et balayant souvent les dilemmes moraux des personnages d’un revers de bon mot. On pouvait facilement imaginer un tableau beaucoup plus sombre de la cupidité un peu crasse s'emparant des divers protagonistes dès l’instant qu'ils s'approchent du magot mais Dubosc est sans doute bien trop gentil pour imaginer autre chose qu’un film dans lequel les gentils seront généreux et les méchants punis.
A la question traditionnelle du boucher “ Y-en a un peu plus j’vous l’met quand même ? “ Franck Dubosc doit sans doute toujours répondre oui car son écriture déborde de ce trop qui ne fait pas toujours le mieux. La générosité et le trop plein peuvent parfois servir la comédie mais rarement la crédibilité d’une intrigue qui plus est dans un thriller. A l’image de l’accident qui va servir de moteur à l’intrigue le film en fait souvent trop , en rajoute toujours un peu et souvent là ou il n'était pas nécessaire ni pertinent de le faire comme pour le second cadavre (le type qui meurt stupidement empalé sur une branche d’arbre) qui n’apporte strictement rien à l’histoire si ce n’est un peu plus de comédie (et encore), et c e n'est qu'un exemple parmi trop d'autres. Pour que j’adhère pleinement à cet Ours Dans le Jura il aurait fallu que son aspect de pur thriller soit imparable et ne souffre d'aucune facilité d'écriture au service de la comédie. L’humour m’aurait certainement semblé plus percutant si il était venu s’inscrire comme réaction décalée à une situation grave, sombre mais crédible et surtout vraisemblable.
Alors bien sûr tout n'est pas à jeter dans Un Ours dans le Jura à commencer par la mise en scène de Franck Dubosc qui tient plutôt bien la route en tirant par exemple joliment parti de ses décors naturels. La direction d’acteurs est elle aussi des plus satisfaisantes avec un soin visiblement tout particulier et généreux à offrir de jolis rôles à des personnages secondaires comme Joséphine de Meaux en gendarmette au grand cœur ou Kim Higelin assez formidable de naturel dans le rôle de la fille du gendarme interprété par Poelvoorde. Pour les deux rôles principaux interprétés respectivement par Franck Dubosc et Laure Calamy je m’abstiendrai de toute critique constructive car pour l’un comme l’autre j’éprouve d’emblée une étrange et incompréhensible légère aversion qui fait que je ne les trouve presque jamais justes dans leur jeu.
Alors bien sûr sur l’échelle de Camping le film mérite un bon 6 ou 7 sur 10, mais sur l’échelle de Fargo il mérite un généreux 4 ou 5 sur 10 ; tout est ici question d’attentes et de perspectives. Personnellement sans m’être ennuyé je n’ai jamais été emballé par le récit qui use de trop grosses ficelles d’écritures et facilités pour vraiment m'embarquer dans son rocambolesque récit.