En 1990, Die Hard 2 : Die Harder connaît un important succès au box-office mondial. Fort de cette réussite commerciale, la 20th Century FOX donne rapidement son feu vert pour le développement d’un troisième volet, avec la volonté d'en faire un événement cinématographique de grande ampleur.
Deux scénarios originaux sont envisagés, ce qui fera de ce Die Hard le premier a ne pas être une adaptation de roman. La première idée, celle de Troubleshooter, visait à déplacer l’action dans un cadre radicalement différent : une croisière familiale virant au cauchemar, dans un décor paradisiaque mais confiné, qui permettait de garder le concept de huis clos tout en renouvelant l’environnement. Le deuxième scénario, imaginé par Doug Richardson (scénariste du précédent volet), conservait l’ambiance urbaine chère à la saga, en transposant l’action dans le métro tentaculaire de Los Angeles. John McClane aurait dû y affronter des criminels ayant pris le contrôle du réseau souterrain.
Aucun des deux scénarios ne plaisent, un troisième est choisi : Simon Says (littéralement « Jacques a dit »). Ce scénario avait initialement été promis à la franchise Lethal Weapon, avec Mel Gibson et Danny Glover. L’histoire mettait en scène un terroriste mystérieux, nommé Simon, qui lance une série d’énigmes et de défis explosifs à travers New York, menaçant de tout faire sauter si McClane ne suit pas ses instructions à la lettre. Le récit, rythmé par un jeu du chat et de la souris haletant, dévoile progressivement que Simon n’est pas seulement un psychopathe joueur, mais qu’il cache un plan plus vaste : le braquage spectaculaire de la Réserve fédérale d’or de Manhattan.
Jonathan Hensleigh, scénariste de ce Simon Says, a fait preuve d’un niveau de détail tel que les autorités fédérales s’en émeuvent. En effet, certaines informations incluses dans le script, comme la manière de pénétrer dans la Réserve fédérale, le trajet des camions de transport d’or à travers le système d’aqueducs new-yorkais ou la logistique interne du métro, sont d’une justesse troublante. Le FBI convoque alors Hensleigh pour l’interroger sur ses sources. Bien qu’il ait assuré s’être appuyé sur des recherches publiques et des hypothèses plausibles, la précision de ses descriptions suscite de réelles inquiétudes.
John McTiernan, réalisateur de Die Hard, travaillait justement avec Jonathan Hensleigh sur un ambitieux film de pirates. Le projet, malgré un fort potentiel, ne voit jamais le jour. Ce contexte favorise la réunion des deux hommes autour de Simon Says, le troisième Die Hard. Son retour est déterminant : il insuffle au film son sens aigu du rythme, du cadrage et de la tension. Contrairement aux deux premiers volets qui se déroulaient dans des lieux confinés (un immeuble, un aéroport), celui-ci s’étend dans tout New York, avec une mise en scène nerveuse et une énergie constante.
En 1995, Die Hard with a Vengeance est un immense succès mondial, devenant à l’époque le plus gros box-office de la franchise.
Dans ce film, la saga opère un tournant majeur. Là où les deux premiers films prenaient place dans des lieux confinés : la tour Nakatomi à Los Angeles puis l’aéroport de Dulles à Washington, ce troisième volet déploie son intrigue à l’échelle d’une métropole entière. New York devient non seulement le décor, mais un acteur central de l’histoire. Les rues bondées, le métro, Harlem, Wall Street, Central Park ou encore les écoles publiques servent tous de lieux de tension. Cette nouvelle échelle offre au film un souffle inédit et inscrit l’action dans une réalité urbaine palpable. La ville vibre, réagit, se plie aux énigmes du méchant. En faisant de New York un véritable échiquier, le film accentue l’impression d’urgence et donne à chaque séquence une énergie frénétique.
Ce troisième opus incarne à merveille la surenchère des années 90. Le rythme est effréné, les séquences d’action s’enchaînent sans relâche, et l’inventivité des mises en danger renouvelle constamment la tension. Qu’il s’agisse d’une bombe dans un magasin, d’un camion lancé dans un aqueduc, ou d’un dilemme moral dans une école piégée, chaque moment est conçu pour faire grimper l’adrénaline. McTiernan retrouve son talent pour orchestrer l’action à grande échelle, tout en maintenant une cohérence dans la narration. C’est un film spectacle, oui, mais un spectacle calibré, jamais gratuit, et qui sait doser ses effets pour maintenir l’attention du spectateur d’un bout à l’autre.
Bruce Willis et Samuel L. Jackson offrent un duo d’une grande force. Là où McClane est à bout de souffle, lessivé, presque suicidaire, Zeus est un citoyen responsable, intelligent, méfiant, avec un sens aigu de la justice, mais aussi un certain ressentiment vis-à-vis des autorités. Leur rencontre est explosive : McClane n’a pas choisi de travailler avec Zeus, et Zeus n’a aucune envie d’être embarqué dans cette histoire. Pourtant, contraints par les énigmes de l’antagoniste, ils vont devoir coopérer. Le contraste entre les deux hommes rappelle la dynamique entre Riggs et Murtaugh dans la saga Lethal Weapon, mais ici, le lien est moins basé sur le buddy movie classique que sur une alliance de circonstances, marquée par la tension raciale, la méfiance et le respect mutuel qui se construit au fil de l’action. Ce duo improbable devient peu à peu indispensable à la survie de chacun.
Jusqu’ici, les alliés de McClane étaient secondaires, présents à distance ou dans des rôles ponctuels (le sergent Powell dans le premier, le capitaine Lorenzo dans le second). Ici, Zeus partage presque à égalité le temps d’écran avec McClane. Il ne se contente pas d’assister : il agit, raisonne, défie, et à plusieurs reprises sauve McClane de situations critiques. Cette dynamique transforme l’expérience narrative : le film devient une aventure à deux voix. Pourtant, pour les fans de la première heure, l’absence de figures emblématiques comme la femme de McClane ou le sergent Powell peut laisser un goût d’inachevé. Ces personnages participaient à l’humanité de McClane. Leur absence souligne l’isolement croissant du héros, tout en recentrant le film sur l’urgence de l’instant.
Jeremy Irons donne vie à Simon Gruber, frère du tristement célèbre Hans Gruber, brillamment interprété par Alan Rickman dans le premier opus. Ce lien familial permet d’ancrer le film dans une continuité thématique et émotionnelle, tout en offrant une motivation personnelle au personnage. Simon, comme son frère, est cultivé, rusé, manipulateur. Mais là où Hans était froidement élégant, Simon est plus flamboyant, presque théâtral. Il aime jouer, piéger, humilier. Il utilise les énigmes comme des armes psychologiques, tout en dissimulant son véritable objectif : un braquage d’une ampleur inédite. En cela, il devient un antagoniste redoutable, à la fois cerveau criminel et maître du chaos. Sa rivalité avec McClane n’est pas seulement physique, elle est intellectuelle. C’est un adversaire qui pousse le héros dans ses derniers retranchements.
Michael Kamen, fidèle compositeur de la trilogie, reprend ici les grands thèmes qui ont marqué le premier film, en leur redonnant une force et une présence presque symphonique. Dans le deuxième film, sa partition avait été plus discrète, parfois éclipsée par l’action. Ici, la musique devient à nouveau un élément narratif à part entière. Kamen joue avec des morceaux de musique classique pour souligner le cynisme des actes de Simon (comme pour son frère). Sa composition renforce la tension, souligne les émotions, et rappelle au spectateur que malgré le chaos, une logique musicale soutient l’ensemble.
Die Hard with a Vengeance atteint un sommet de dynamisme, de mise en scène et de renouvellement. Le film parvient à élargir son horizon tout en restant fidèle à ce qui a fait le succès de la saga : un héros imparfait, un antagoniste charismatique, une tension omniprésente, et un sens du rythme implacable. Porté par un duo d’acteurs en état de grâce, par la réalisation nerveuse de John McTiernan et la musique inspirée de Michael Kamen, ce troisième volet réinvente la formule sans la trahir. Il est à la fois un aboutissement et une redéfinition. Un blockbuster des années 90 comme on n’en fait plus, où l’intelligence du scénario se conjugue avec la brutalité de l’action, pour un résultat aussi explosif qu’inoubliable.