Whirlpool par pierrick_D_

Lora,une Française,est serveuse dans une taverne de Cologne quand elle a la mauvaise surprise de voir débarquer Herman,son ex,un truand de bas étage dont elle croyait être débarrassée.Le mec parvient à la mêler à un de ses coups foireux lors duquel il tue un homme,et tous deux s'enfuient précipitamment.Ils décident de se séparer pour être moins repérables et de se retrouver plus tard à Amsterdam.La fille trouve une place sur une péniche,car le Rhin c'est l'eau de Cologne,pendant que le gars tente sa chance à la gare routière.Mais c'est surveillé et il est contraint de se barrer sans prendre le car après avoir buté un flic.Se rendant compte que sa dulcinée l'a dupé en partant dans la direction opposée aux Pays-Bas et qu'elle vogue vers Strasbourg,il décide de faire du stop pour rattraper le bateau sur lequel Lora commence à sympathiser avec les mariniers,et surtout avec Rolf,le séduisant capitaine du navire.Ceux qui seraient déçus de ce résumé devront se résigner parce que non,il ne s'agit pas d'un film sur les machines à laver.Whirlpool,ça signifie "tourbillon",celui du fleuve et celui de la vie qui entraîne les personnages.Des titres français plus parlants existent,comme "La Lorelei brune" ou "La fugitive du Rhin",pour ce film qui constitue une curiosité.On est sur une oeuvre anglaise produite par la Rank Organisation,célèbre firme d'autrefois dont l'introduction de générique est culte avec le mec musclé torse poil qui frappe un immense gong avec son gros maillet,une image presque aussi célèbre que celle du lion rugissant de la MGM.Le réalisateur Lewis Allen est lui aussi british,mais il a fait l'essentiel de sa carrière en shootant des films noirs aux Etats-Unis,notamment son "Je dois tuer" sorti cinq ans avant "Whirlpool",dans lequel Sinatra était un tueur à gages chargé d'éliminer le président américain.Si le grand chef-opérateur Geoffrey Unsworth,qui travaille un joli Eastmancolor,et les principaux acteurs sont britanniques,les vedettes sont l'Autrichien O.W. Fischer,gloire du cinéma allemand de l'époque,l'Américain William Sylvester et surtout la chanteuse Juliette Gréco,star du showbiz français qui a eu une carrière d'actrice sans grand éclat dont on retient en priorité son rôle dans le fameux feuilleton "Belphégor".Le scénario est signé Laurence P. Bachmann,qui adapte ici son propre roman "The Lorelei".A priori on pense avoir affaire à un thriller typique de la manière d'Allen,sauf que é une entame qui nous immerge effectivement dans une ambiance polardeuse glauque et poisseuse à base d'homme fatal,de coups de feu,de poursuites dans des rues obscures aux pavés luisant sous les réverbères,on se dirige vers une sorte de documentaire sur les mariniers,leurs conditions de vie et de travail,leur sympathie,leur solidarité,mâtiné de vues touristiques sur la superbe vallée du Rhin et ses châteaux,avec en point d'orgue la Lorelei,ce grand rocher surplombant le fleuve à son point le plus étroit assorti de forts courants,un age tellement dangereux que des pilotes spécialisés y relaient les mariniers aux commandes des péniches afin de traverser la e sans dommage.C'est là que se résoudront les problématiques du script,avec un affrontement final décisif.Le lieu fait l'objet d'une légende attachée à la mythologie germanique,qui veut qu'une nixe blonde,l'équivalent des sirènes de la Grèce antique,faisait par son chant envoûtant échouer les bateaux des marins sous le charme de la créature.Des nymphes dont parle Apollinaire dans son poème "Automne malade",en ces termes:"sur les nixes nicettes aux cheveux verts et naines".Le corps du film consiste donc en un voyage fluvial plombé de temps morts et de scènes répétitives qui voient lentement évoluer la relation entre deux êtres blessés par la vie.La belle Lora,issue d'un milieu misérable,n'a connu que les galères et n'a eu affaire amoureusement qu'à des salauds.Elle aspire à une vie normale et stable,qu'elle voudrait bien construire avec Rolf ,mais elle se méfie des hommes.Lui,revenu sur le Rhin pour des raisons familiales,ne rêve que de repartir sur les mers où il a é une bonne partie de sa vie à courir le Monde et les filles,genre une femme dans chaque port.Il éprouve des sentiments pour sa belle agère,mais sera-ce suffisant pour qu'il change d'existence?Ce mélo patine un peu dans la flotte,heureusement qu'on retourne à terre de temps à autre pour suivre les aventures de l'ignoble Herman qui continue à voler,agresser et tuer dès que c'est nécessaire à ses objectifs.Les acteurs sont plutôt bons,notamment notre Juliette nationale qui parvient par un jeu subtil et grâce à sa singulière beauté à exprimer les différents aspects de Lora,mi-femme fatale dure et agressive mi-petite fille perdue en quête d'amour.La prod n'a pu s'empêcher de la faire chanter,même si c'est réduit.Elle interprète ainsi la chanson du générique,opportunément intitulée "Whirlpool",et l'amusant "Pieds nus dans mes sabots" pendant le film.O.W. Fischer est Rolf,le beau capitaine viril et droit,un rôle qu'il tient solidement.Ses poils minables collés au-dessus des lèvres le rendent légèrement ridicule,une idée étrange et inutile.Il parait que Gréco et lui ne se sont pas entendus du tout et se snobaient sur le plateau.La chanteuse aurait mieux matché en revanche avec William Sylvester,qui est excellent en psychopathe possessif,veule et obsessionnel,un vrai danger public.Marius Goring,le second de Rolf et son meilleur ami,est très bien en marin calme,philosophe et pragmatique.Son épouse est formidablement incarnée par la blondinette Muriel Pavlow,qui joue un jeu ambigu.Mariée à Georg par défaut,elle a toujours été éprise de Rolf,mais lui ne voulait pas s'engager.Elle se montre jalouse de Lora,non seulement parce qu'elle plait à Rolf,mais surtout parce qu'elle sent qu'avec elle ça pourrait être sérieux,ce qui annihilerait ses derniers espoirs de conquérir le marin.Le jeune Richard Palmer donne également une belle performance en apprenti marinier sympa et naïf.Si le film a été tourné dans les studios anglais de Pinewood,des plans extérieurs ont bien été shootés dans la vallée du Rhin,ce qui explique certaines différences de texture d'image entre les acteurs au premier plan et les arrière-plans de nature.