- Invité chez ma tante pour un repas de famille, je m'éclipse entre deux plats pour redre mon cousin dans le salon. Installé devant sa Playstation, il a les yeux rivés sur un jeu étrange dont je me mets à examiner la boîte. Après avoir demandé la permission de l'essayer quelques instants, je me rends vite compte qu'il s'agit d'un jeu d'horreur. Perdu dans des couloirs infestés de zombies, armé simplement d'un couteau, et peinant à diriger mon personnage à travers des plans de caméra fixes et une manette Playstation à laquelle je ne suis guère habitué, je panique rapidement, mon personnage finissant la gorge arrachée par un mort-vivant. Traumatisé ? N'exagérons pas. Marqué ? Certainement.
Car du haut de mes 6 ans, je viens à peine de découvrir les jeux vidéos avec la Nintendo 64 et ses jeux colorés comme Diddy Kong Racing et Super Mario 64. Mais hors de question de voir ou de jouer à quoi que ce soit hors de ma tranche d'âge, mes parents me l'ont interdit depuis longtemps. Cette attention particulière que mes géniteurs ont porté à tout ce que j'achetais pendant des années, films comme jeux vidéos, a d'ailleurs fait naître chez moi une fascination pour les films d'horreur, me poussant à trouver les combines les plus farfelues pour assouvir ma curiosité, allant parfois jusqu'à cacher mes achats à divers endroits de ma chambre pour ne pas me les faire confisquer.
C'est ce qui est d'ailleurs arrivé avec ce qui allait devenir mon jeu vidéo favori, et ce, encore 15 ans après.
Septembre 2002. La rentrée en 6ème a commencé depuis quelques jours. Cette courte session de jeu chez mon cousin a marqué de manière indélébile mon esprit pendant cinq ans, jusqu'à ce que je découvre, au détour d'un magazine, que le fameux Resident Evil va avoir le droit à une refonte totale sur la Gamecube, console que je viens de me voir offrir. Ni une ni deux, je profite d'une après-midi au centre commercial pour me procurer le titre, que je cache sous ma veste jusqu'au retour dans ma chambre. Après avoir dit bonne nuit à mes parents, je m'installe devant la console cubique de Nintendo et lance le jeu, dans le noir le plus complet.
Le choc est de taille : après avoir choisi mon personnage (Jill Valentine, parce qu'elle est jolie) et avoir répondu à une question qui me parait hors propos (mais qui définit en réalité la difficulté de la partie), je découvre la cinématique d'introduction. Superbement animée et brutale, elle me plonge dans le jeu d'une manière terriblement efficace. Un constat similaire s'impose ensuite sur la petite heure de jeu que je m'offre avant d'aller au lit : le jeu est sublime, voire révolutionnaire dans ses graphismes.
Jamais encore je n'avais été autant soufflé par la beauté d'un jeu vidéo, en oubliant par moments qu'il en est un. Les décors en 2D regorgent de détails, apportant au soft une ambiance peinant encore aujourd'hui à être égalée. La flamme vacillante d'une bougie, un papillon de nuit virevoltant autour d'une lampe, un éclair projetant dans la pièce les ombres du mobilier et de mon personnage... J'en arrive même à m'arrêter dans certains cadres pour irer le travail d'orfèvre apporté par les développeurs.
Je parle bien de cadres, car le système de caméra fixe qui m'avait tant marqué sur Playstation est conservé. La maniabilité prend ainsi un certain temps à maîtriser, car il faut faire avancer son personnage en poussant le stick toujours dans la même direction (vers le haut) alors qu'il se déplace souvent dans une direction différente sur l'écran. Pour courir, il ne suffit pas de pousser le stick à fond comme la plupart des jeux, mais de rester appuyé sur un bouton tout en avançant. Ce système, couplé à la lourdeur des déplacements, peut très vite rebuter, mais contribue énormément au charme du jeu, lui apportant un petit feeling très "old school" dans lequel je replonge toujours avec plaisir. Il faut quand même savoir que la version Remaster sortie en 2015 a apporté une nouvelle maniabilité plus moderne et fluide.
ons sur l'histoire, assez simple mais chouette, que tout le monde doit connaître désormais. Soulignons néanmoins que ce jeu offre pas moins de six fins différentes par personnage ! Certains moments clefs vous pousseront en effet à faire des choix cruciaux qui résulteront parfois en la mort d'un équipier. Pour le reste, le jeu consiste à explorer le manoir Spencer, aussi riche que lugubre, et à résoudre diverses énigmes pour trouver une issue, ainsi que des réponses sur la conspiration qui a provoqué le drame. Les fichiers et journaux trouvés dans les différentes pièces de la demeure sont riches en détails, et parfois assez glauques, comme ce scientifique s'étant enfermé dans une petite pièce pour échapper à ses collègues zombifiés, qu'il entend gémir et gratter à la porte. La collecte d'objets à l'apparence anodine mais à l'utilité cruciale est monnaie courante dans le jeu, et lors de la première partie, on se perd rapidement dans les couloirs poussiéreux à chercher des indices sur la marche à suivre. Il faut compter une bonne dizaine d'heures de jeu sans solution, car les énigmes sont parfois retords et mortelles. J'avoue m'être retrouvé bloqué dès le premier quart d'heure... pendant près d'une semaine ! Je me suis finalement rendu compte que la clef dont j'avais besoin était accrochée au dos d'un autre objet que j'avais dans mon inventaire mais que je n'avais pas pris la peine d'examiner... Se triturer les méninges de la sorte tout en esquivant les zombies qui pullulent dans le manoir n'est pas une chose aisée.
A ce titre, les ennemis sont particulièrement effrayants. Le sound design offre des bruitages parfaitement dans le ton, que ce soit les râles des morts-vivants ou les impacts de balles dans leur chair décomposée (petit coup de cœur pour les décapitations, répugnantes). On se prend ainsi à s'arrêter à chaque coin de couloir et à tendre l'oreille pour repérer un ennemi que la caméra nous empêche de voir. Certains trouveront cela particulièrement frustrant, mais il faut reconnaître que le sentiment de menace est omniprésent et saisissant.
Et quand on se retrouve finalement face à un ennemi, même après plusieurs parties, on ne peut jamais être sûr de l'issue qui nous attend. Particulièrement résistants et agressifs, les zombies doivent en plus être brûlés après leur abattage, pour les empêcher de revenir sous forme de Crimson Heads, des super-zombies aux griffes acérées et à la rapidité terrifiante. Cette gestion des cadavres apportent une difficulté supplémentaire à un gameplay déjà chargé. Économiser ses munitions devient alors vital, et la décapitation d'un zombie lors d'une fusillade (aléatoire avec les deux personnages mais plus courant avec Chris, qui vise mieux que Jill) se transforme en véritable événement, car cela signifie que l'on a non seulement sauvé quelques balles pour plus tard, mais aussi du précieux kérosène avec lequel on pourra brûler un autre mort-vivant qui risque de se relever dans un lieu de age.
Bien sûr, les zombies ne sont pas les seuls adversaires sur la route de nos pauvres S.T.A.R.S.
Des dobermans aux os saillants, des araignées géantes et d'autres créatures répugnantes les attendent aux quatre coins de la propriété Spencer, qui ne se limite pas au manoir et offre des environnements variés mais tous aussi malsains les uns que les autres.
Dernier point et non des moindres, la musique lugubre composée par Shusaku Uchiyama contribue énormément à la réussite du jeu, et je ne saurai trop conseiller aux sceptiques d'en écouter les meilleurs ages comme "Statue with a map" ou "Macabre Hallway".
Ce jeu reste donc à mes yeux un chef d'oeuvre du jeu vidéo, inégalé en termes de terreur et d'ambiance, et dont les graphismes tiennent toujours la route aujourd'hui. Le Remaster sorti sur PS4 en 2015 en reste la version la plus aboutie visuellement parlant, et c'est avec énormément de plaisir que je me replonge dans ce cauchemar plusieurs fois par an, même si je connais le cheminement sur le bout de doigts et le finis en général en moins de trois heures.
Un chef d’œuvre incontournable qui mérite votre attention... si vous en avez le courage...