Sagebrush
6.5
Sagebrush

Jeu de Ratalaika Games (2018PC)

La critique de VIDEOGICIELS.FR

Saviez-vous que les 195 premiers caractères d'une critique apparaissent en aperçu de votre texte dans à peu près tous les écrans de Sens Critique ? Les aperçus de vos critiques, dans votre fil...                                                     


Note préliminaire à toutes les critiques de jeu vidéo que je publie sur Sens Critique à compter de décembre 2024. Dans mes textes, j'ai décidé de bannir les termes "jeu vidéo" et "jouer" de mon vocabulaire. J'ai écrit tout un article sur mon site perso pour expliquer pourquoi ; en résumé, c'est parce que j'en ai marre de sous-entendre en permanence, via l'emploi du terme "jeu video", que je parle d'un objet dont la fonction principale serait l'amusement. La plupart des "jeux" que je pratique ont pour dimension principale de me faire vivre une histoire, une expérience – donc pas de "m'am", en tout cas guère plus qu'un film ou qu'un roman, qui ont eux le bénéfice d'une dénomination neutre référence à leur . Vous trouverez donc le terme "vidéogiciel" en lieu et place de "jeu vidéo" ; le terme "VG" au lieu de "jeu" ou "JV" ; le terme "pratiquer" à la place de "jouer". Autre point important : je n'hésite pas à DIVULGÂCHER à fond dans mes textes, donc lisez-moi en connaissance de cause, je ne voudrais pas vous gâcher quoi que ce soit ! Merci. Ah et enfin, chacun de mes textes est lisible sur mon site perso, videogiciels.fr, dans une version "augmentée", "définitive", "goty", "remastered", avec... une galerie d'images commentées et une présentation bien plus jolie qu'ici. C'est tout ! Bonne lecture.


Le vidéogiciel commence par ce monologue, alors que nous roulons en voiture sur une route déserte :


J’ai tout d’abord rencontré Anne, en attendant le bus. En général, j’évite de parler à n’importe qui, mais elle a entamé la conversation. Elle était gentille et si confiante. Elle m’a souri comme si elle me connaissait depuis des années et que nous étions en train de rattraper le temps perdu. Elle m’a dit qu’elle pouvait voir que j’avais un vide dans ma vie. Qu’elle savait ce que c’était. Qu’elle avait elle aussi été dans ce cas, mais que ce vide avait été comblé. Je lui ai demandé ce qu’elle vendait, et elle a ri en disant qu’elle ne vendait rien du tout, que ce qu’elle avait à offrir était gratuit pour quiconque le voulait vraiment. Je lui ai alors demandé ce qui l’avait aidée. Elle m’a juste répondu : « James ».

On se gare devant un immense ranch apparemment abandonné. Je ne sais pas qui j’incarne. Je ne sais pas si la voix entendue lors de l’introduction est celle de mon personnage, dont je ne connais ni le nom ni l’apparence – le point de vue est subjectif et sans modélisation du corps (ce qui aurait pu me dire au moins le sexe).


Je me mets à faire la seule chose prévue et autorisée par le VG, à savoir : pénétrer dans le ranch et l’explorer.


Attention je parle de ranch au sens d’exploitation agricole ; c’est donc une vaste étendue dans la nature avec différents édifices.


Une grande mélancolie se dégage de ces premiers moments. La musique de l’introduction, le soleil bas de la fin de journée, les lieux abandonnés que l’on traverse, les traces de la vie qui y régnait… Le premier édifice visité est un réfectoire, où les gens de la secte (car on comprend qu’il s’agit d’une secte avec un gouru, James) se réunissaient pour manger ensemble. On visite les cuisines, le garde-manger… Les documents lus et l’endroit en lui-même me semblent chaleureux. Il semblait faire bon vivre ici. Je suis charmé par cette idée de vie simple en communauté.


Petite bizarrerie : sur l’une des tables, un magnétophone. En appuyant dessus, l’image perd ses couleurs (on e au noir et blanc) et une voix féminine raconte des choses au é à propos de son expérience au sein du Paradis Parfait. Je me demande qui parle, si c’est la même voix que celle de l’intro et quel est le lien avec le personnage que j’incarne ?


La suite est structurée en quelque sorte comme un jeu de piste ; en explorant le réfectoire, on trouve une note qui mentionne que des clés sont accrochées sur le côté d’une bibliothèque, alors on y va, on ramasse les clefs, on cherche ce qu’elles ouvrent, on explore, etc. On explore de cette façon l’intégralité du ranch en découvrant beaucoup de documents, de lettres, nous renseignant sur les différents membres de la secte, leurs relations et comment ils vivaient cette existence.


Je finis par comprendre que mon personnage est une femme du nom de Lilian, qu’elle a vécu un temps dans cette secte mais qu’elle faisait partie des rares personnes n’ayant pas complètement perdu leur esprit critique… En effet, le Père James se révèle être une ordure, un pervers narcissique et même un assassin. On réalise qu’un agent du FBI était infiltré et qu’il communiquait avec Lilian. On apprend que des sévices physiques étaient imposés par la doctrine du Père James, doctrine qui évoluait arbitrairement (il prétendait recevoir la visite d’anges) au gré des fluctuations de son emprise sur son « troupeau » (ses ouailles)…


De plus en plus, la secte nous révèle sa vraie nature : un monde en vase clos oppressant, interdisant de penser, tout entier dédié à l’assouvissement des plaisirs très terrestres du Père James, qui couchait avec à peu près tout le monde.


L’exploration se termine après que Lilian ait revécu en mémoire ce moment traumatique où les membres de la secte se sont incendiés, vivants mais anesthésiés, dans une petite chapelle, et où elle-même a pu s’extirper de l’endoctrinement pour écouter son instinct de survie et se réfugier dans le bunker de James (qui était relié à la chapelle par un age secret).


Au terme de cette nuit de souvenirs, de cette reconnexion à ce lieu de son é, Lilian est en mesure d’appeler son compagnon par téléphone et de s’ouvrir à lui sur ce qu’elle a vécu lorsqu’elle était au Paradis Parfait, des années auparavant.


Bon, j’ai beaucoup aimé ce vidéogiciel. C’est une œuvre adulte, riche émotionnellement, magnifique esthétiquement dans son style à la fois rétro et pictural (de vrais choix sur les couleurs). J’ai été touché par le parcours psychologique de l’héroïne, qui fait le travail courageux et remarquable d’affronter son é pour ne plus avoir à se cacher, à dissimuler ce qui se trouve au fond d’elle.


C’est un VG qui respecte notre temps et qui en moins de deux heures nous fait vivre une expérience significative sur la condition humaine.


Il y a un point que je regrette : les magnétophones. Je n’ai toujours pas compris comment les interpréter. Je ne pense pas qu’il faille les considérer de façon littérale ; ils n’ont aucune raison de se trouver à l’endroit où on les trouve. Je pense qu’à chaque fois qu’on en lance un, c’est l’héroïne qui, là tout de suite, médite, réfléchit, se remémore sa vie d’alors ; mais je ne pense absolument pas que ce qu’on écoute a réellement été enregistré sur une cassette (quand ?) ni qu’il existe une bonne raison pour cette dizaine de magnétophones d’être éparpillés ainsi aux quatre coins du ranch.


Pour quelqu’un sensible aux détails comme moi, ce procédé n’était pas top car il a parasité l’expérience du VG avec des questions non pertinentes. J’ai aimé écouter Lilian s’exprimer, je pense juste qu’il aurait fallu déclencher ces monologues méditatifs d’une autre façon, ne pas en faire un objet physique avec lequel interagir dans le décor.


Je questionne aussi la pertinence d’avoir fait un mystère de l’identité de la personne que l’on incarne. Pourquoi ne pas avoir établi dès le début que l’on était Lilian et que l’on revenait au ranch des années plus tard ? Pourquoi en faire quelque chose à mettre au jour, alors qu’à mon sens Sagebrush est in fine une expérience d’empathie forte avec son protagoniste ?


La première moitié du VG, c’était vraiment : « mais qui je suis ? Qu’est-ce que je fais là ? Est-ce que je suis l’un des membres de la secte dont je lis les lettres et si oui lequel ? »


Et au vu de la force de l’œuvre une fois les personnages et enjeux clairement définis, je me dis qu’il aurait été peut-être mieux d’y arriver plus rapidement.


Enfin, je garderai quand même de Sagebrush un excellent souvenir. Et ça a été réalisé par un mec seul ou presque ! Moi c’est vraiment ce type d’œuvres qui m’intéresse maintenant, je n’ai plus de goût pour les blockbusters pharaoniques à la UBISOFT, SONY ou autre, qui sont des hérésies à plein de niveaux : tellement chers à produire que zéro prise de risque, complexité graphique validant/obligeant un renouvellement des machines anti-écologique et habituant le public à un degré de fidélité visuelle intenable (car nécessitant des centaines de bras sur plusieurs années)… Bref, vivent les projets à taille humaine.


Note sur la version PS4 : au début je voulais pratiquer ce VG sur PS4 mais à mon grand désarroi, les olibrius en charge du portage console ont omis une option clef – l’inversion de l’axe vertical du stick droit ! Pour moi c’était ingérable donc j’ai acheté la version PC.


L'unique survivante d'une secte s'étant collectivement donnée la mort revient dans le ranch déserté où elle a jadis vécu endoctrinée. C'est une expérience courte, touchante et remarquable, avec néanmoins certains choix qui m'ont laissé perplexe. Esthétiquement magnifique et très riche humainement. J'en veux plus des comme ça !

8
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il y a 2 jours

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Pedrof

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