Résumé
Un ouvrage ambitieux dont les morales socio-politiques potentiellement intéressantes sont noyées par le fil rouge religieux sexiste et anti sociologique.
Détails
La manière dont John Steinbeck dépeint cette vallée californienne, ces familles, les relations entre les différents personnages et tout ce que cela impliquent est à la fois pertinent et profondément dérangeant. Car s'il y a bien quelque chose à dire sur la fatalité qui pèse sur les épaules des êtres humains au point de les accabler par la croyance d'un destin immuable, le dire en s'inscrivant dans un intertexte biblique pose problème.
En effet, comment ne pas voir dans ce portrait de Kate/Cathy, la figure diabolique de la femme pécheresse ? Si le manque de subtilité n'est pas forcément un défaut, le fait de représenter ainsi la principale femme du récit vient reprendre le narratif religieux dans ce qu'il a de plus problématique. De plus, les interrogations sur le bien et le mal s'inscrivent dans un questionnement à la fois religieux mais également très biologique. À la lecture de ce texte, le mal serait parfois héréditaire, transmis par nos aînés et non pas par des phénomènes sociaux. Détournant, ou plutôt clarifiant la morale d'un livre qui vient déconstruire le fatalisme pour mieux renforcer certaines croyances ridicules et problématiques.
C'est d'autant plus triste que le roman parvient à dresser de beaux portraits de cette Amérique à cheval sur deux siècles et dont l'essor de certaines pratiques vient bouleverser les modes de vie. Par ailleurs, les quelques propos sur la guerre ne sont pas toujours d'une grande pertinence, mais renforcent cette impression d'un livre qui touche à beaucoup de domaines sans vraiment réussir à saisir pleinement et pertinemment ses thématiques. Bien que les ages sur la parentalité et le racisme anti-asiatique demeurent des parties intéressantes du roman.
Enfin, on peut reconnaitre à l'auteur une grande justesse dans son développement des personnages quand ils ne sont pas des caricatures bibliques. Je pense notamment à Samuel Hamilton et à Lee, dont les paroles rapportées apportent souvent d'intéressants points de vue.
4.5/10