« James Foley a été kidnappé une première fois en Lybie en 2011 et libéré. Dans l'avion militaire du retour, il lisait mon livre [Et que le vaste monde poursuive sa course folle]. La photo a été publiée dans un journal local. Puis il a été kidnappé une seconde fois, en Syrie, et a été tué en août 2014. Oui, un mystère vous conduit à un livre. » Ainsi, préexistait à American Mother un lien intime, par delà l’espace et le temps, de l’écrivain irlandais Colum McCann avec ce reporter américain exécuté par des jihadistes en Syrie le 19 août 2024 au terme de plus d’un an et demi de détention. Une coïncidence qui a motivé sa lettre adressée à la mère de ce dernier, Diane Foley, dans laquelle il lui présente ses condoléances et offre – si besoin - son soutien littéraire pour une hypothétique publication à venir. Un message qui reste lettre morte ; Diane est justement toute à l’écriture de son livre. Ce n’est qu’un an plus tard que Colum McCann en obtient une réponse. Une prise de qui intervient au moment où Diane s’apprête à rencontrer Alexanda Kotey, un des deux bourreaux identifiés de son fils, le seul ayant plaidé coupable, le seul s’étant engagé à rencontrer les familles des victimes. L’auteur irlandais propose alors à Diane de suivre cet échange, scène qui ouvre ce témoignage en forme de prière. Prière à laquelle décide finalement de se soustraire McCann pour laisser la plume de cette « mère américaine » prendre directement parole. Il y est alors question de James, son enfance, son caractère (empathique, curieux) et son parcours de journaliste, le tout déroulé en une soigneuse litanie de dates, de faits et de nobles concepts. Un portrait scolaire, convenu. Néanmoins, se dessine en creux celui, bien plus ionnant, de son auteure, une mère/épouse/femme pieuse dont l’action s’éclaire à la lumière de son inébranlable foi chrétienne quand s’étiole celle dans les institutions de son pays. Diane se montre d’ailleurs très critique envers la politique étrangère des États-Unis à laquelle elle fait porter la responsabilité de la mort de son fils. Une indignation désormais motrice de son engagement associatif.
La réception de ce témoignage est donc une affaire de sensibilité et d’affect. Comme Diane à l’issue de ses trois rencontres avec Alexanda, je n’ai pas trouvé dans ma lecture d’American Mother ce que j’attendais. Ai-je seulement retenu cette réflexion amorcée par Colum McCann en fin d’ouvrage sur le rapport à la religion qui (des)unie la mère et le bourreau de son fils. A cet instant, point le vertige de deux existences à la piété analogue que les circonstances, les drames et le cours de l’Histoire ont finit par opposer dans l’intimité d’une salle de tribunal.