Que peuvent bien avoir en commun une pièce de théâtre écrite en 1725 sous le règne de Louis XV et un film muet des années 20 à l’origine des plus grands thèmes de la science-fiction ?
À première vue, pas grand chose. Et pourtant, si l’on s’intéresse aux messages délivrés par les deux œuvres, le lien est évident : nous sommes bien face à deux plaidoyers prônant une moraline antirévolutionnaire. Oui, les mots sont durs, et oui, je commettrai sûrement beaucoup d’anachronismes dans cette critique. Marivaux étant un digne héritier des Lumières, il faudrait déjà saluer sa sensibilité aux conditions des hommes de son époque et aux liens de domination les unissant. Mais bon qui va faire quoi si je le critique ? Ouais c’est bien ce que je pensais.
Donc toute l’idée de Marivaux, c’est de représenter une inversion des rôles entre les esclaves et les maîtres, histoire de faire comprendre aux seconds qu’ils sont pas super sympas avec les premiers et qu’ils devraient être plus gentils. Donc au fil de la pièce, les anciens esclaves font prendre conscience à leurs anciens maîtres qu’ils ont droit au respect et qu’ils ont pas envie d’être battus h24 (normal). Et à la fin les anciens esclaves sont tellement vertueux et ont tellement de peine pour leurs anciens maîtres qu’ils réinversent leurs rôles pour restaurer l’ordre social, après avoir donné une bonne leçon à leurs tyrans.
Bref la morale pourrait se résumer : l’ordre social n’est pas injuste en soi, ce sont les individus qui peuvent l’être ; mais si les dominants sont vertueux, alors tout le monde est content. On voit que ce message est contaminé par le moralisme du XVIIIème, et on peut se dire qu’après le raz-de-marée marxiste et l’analyse matérialiste dialectique, ce genre de vision du monde aurait été éliminée.
C’est là que j’en viens à Métropolis, classique du cinéma muet réalisé par Fritz Lang. Si l’histoire est nettement différente, la morale est identique: après une révolte des prolétaires exploités par la machine sociale de Métropolis, la paix sociale est achetée par les capitalistes par une jolie poignée de main, accompagné de l’écriteau suivant : « Le médiateur entre le cerveau et la main doit être certainement le cœur. » . Même chose ici : conservation de l’ordre social rendue légitime par la vertu et la prise de conscience des élites (le cerveau) face aux masses de travailleurs (la main).
Bref Marivaux au goulag 👍