Au crépuscule de sa vie, Harry Collins voit sa vie défiler devant lui. Mais il s'arrête sur un évènement en particulier. Un épisode de son enfance. Un moment charnière, celui où son microcosme entrait en collision avec la dureté du vrai monde. Sa maison, c'est le Texas du début des années 30, une terre agricole au climat difficile aussi bien sur le plan météorologique que social. L'abolition de l'esclavage n'a pas changé grand chose pour la population afro-américaine. La ségrégation sévit, le racisme est ancré et les violences à l'égard des noirs sont répugnantes. Ajoutez-y une série de meurtres, et c'est l'étincelle pour tout faire exploser au grand jour sous les yeux de Harry et de sa sœur Thomasina.
Ayant découvert la plume de Joe R. Lansdale avec la série de Hap Collins et Leonard Pine, j'étais curieux de poser les yeux sur l'un de ses romans policiers les plus connus. Je n'ai pas été déçu par ce choix, Les Marécages est un ouvrage brillant à la lisière de plusieurs genres. On retrouve la fibre historique de Lansdale avec les descriptions du décor et des mentalités de l'époque. La traque d'un serial-killer offre sa part d'énigmes et de suspense, tout en rappelant les dissensions entre l'approche scientifique (les germes du profilage) et les opinions arrêtées. Et le fait de placer le lecteur au niveau d'un enfant (Harry narrant ses actions et pensées d'alors) donne au récit les allures d'un conte initiatique. S'il n'est pas dépourvu d'humour - le héros ne comprenant pas certains sous-entendus liés aux adultes - le voyage dans lequel nous sommes embarqués ne ménage personne. Une fois de plus, l'écriture combine les descriptions précises et un grand nombre de dialogues. À travers eux, on entre facilement en empathie avec Harry, sa famille et plusieurs personnages secondaires (Mose, Miss Maggie). Et cela rend la lecture de certains chapitres encore plus touchantes ou difficiles. Les meurtres bien sûr mais également la justice sauvage dont nous sommes les témoins. Si le rythme peut sembler flottant de prime abord, on réalise combien il était idéal pour égrener des indices l'air de rien, faire monter la tension à intervalles réguliers. S'il reste un élément un peu trouble dans l'affaire (liée à la descendance d'un personnage en particulier), il n'entache pas le moins du monde la réussite d'une histoire puissante qui mêle une foule de sujets sans en négliger aucun. Une petite pépite, qui donne envie de continuer la route avec Lansdale.