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Film de Kiyoshi Kurosawa (2024)

Cloud, Kiyoshi Kurosawa, Japon, 2024, 124 min

Ce qui est formidable avec un cinéaste du calibre de Kiyoshi Kurosawa, c’est qu’il suffit d’entrer dans une salle, sur la simple promesse de son nom, et de se laisser plonger dans son univers. Il existe une forte probabilité que l’œuvre face à laquelle on se retrouve soit une proposition de Cinéma comme il y en a peu, ou du moins unique en son genre, du fait de la cohérence que possèdent ses réalisations.

Cette énième entrée dans la filmographique de Kurosawa ne fait donc pas défaut à cette promesse, puisque la tournure des évènements donne raison à cette idée comme quoi ce réalisateur est sans cesse dans l’inattendu. Sur un rythme très posé, pas spécialement lent, car il se e quand même pas mal de choses, « Cloud » commence comme la chronique d’un jeune japonais qui cherche à s’en sortir tel qu’il le peut. Pour ce faire, il se sert de l’internet et de combine pas très classe pour se faire quelques thunes.

Dans un premier temps, le film ressemble à s’y méprendre à la critique des méthodes de reventes sur le web, avec ces vendeurs qui inventent parfois les valeurs de certains objets pour en faire grimper les prix aberrants, sur lesquels tout le monde se cale, ce qui crée la norme et permet des délires astronomiques. Pour quiconque s’est déjà un peu intéressé au rétrogaming, ça sera certainement parlant. Yoshii, le protagoniste de cette histoire, fait donc partie de cette espèce.

Si ses méthodes posent bien entendu question, ce n’en est pas moins un être humain noyé dans une société consumériste hors de contrôle, et qui se sert finalement de ses règles prédatrices pour y trouver lui aussi sa place. Il est dès lors difficile de le juger là-dessus. Il aurait pu choisir une autre voie certainement plus éthique, mais en fin de compte, il fait au plus simple, voir au plus efficace. Néanmoins, ses pratiques vont finir par se retourner contre lui et je n’en dis pas plus.

Il n’est pas aisé de parler de ce genre d’exercice sans trop en révéler, car le métrage se découpe en deux blocs bien distincts. D’une part, il y a cette chronique assez réaliste, d’un jeune japonais qui galère, et d’un second temps dont il est impossible de divulguer quoi que ce soit. C’est donc surtout dans l’ambiance que met en place Kiyoshi Kurosawa que germe la réussite de son propos. Comme un effet de miroir, les deux parties du film se répondent, apportant chacune leurs lots de solutions l’une à l’autre.

Sans jamais trop en dévoiler, « Cloud » joue beaucoup sur le mystère que cache l’anonymat sur internet et toutes les dérives qui peuvent s’y produire. Sans être ni candide et ni alarmiste, Kiyoshi Kurosawa interroge, non sans une certaine once d’humour noir, l’effroi que recèle cet outil dont nous avons pris l’habitude de l’utiliser tous les jours. Il mêle ainsi deux types de déviance commune à toutes les sociétés humaines, la violence économique et l’horreur animale.

Avec toutes les pièces du puzzle qui se mettent en place les unes après les autres, au beau milieu du mystère, car le film est avant tout un thriller, « Cloud » apparaît comme une œuvre amusante autant que terrifiante. En témoigne une seconde partie qui plonge dans l’étrange et une âpre violence, reflétant allégrement l’absurdité de toute la situation. En sommes, après avoir fait une commande malheureuse sur internet et laissé un mauvais commentaire, jusqu’où êtes-vous prêt à aller ensuite ?

À la fois malin et réflexif, cette nouvelle expérience de Kiyoshi Kurosawa ne déroge pas à la règle, et promet tout ce dont on peut attendre de ce cinéaste. Un cocktail de plusieurs genres, qui ne cède jamais à la facilité, quitte à parfois demeurer obscur, mais toujours pour mieux servir un récit qui peut fasciner ou rebuter, tout dépend de comment on le prend. Une chose est certaine, Kurosawa possède son propre langage cinématographique et le récite désormais à la perfection, pour peu que l’on y soit sensible c’est un pur plaisir. Si l’on y est hermétique, peut-être que ça peut être une idée de se pencher sur ses autres œuvres, car il y a constamment de quoi s’y contenter.

Stork._

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il y a 2 jours

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Peeping Stork

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