"Rien ne reprend mieux la plupart des hommes que la peinture de leurs défauts" : quand il écrit ces quelques mots en introduction au Tartuffe, Molière ne fait pas que défendre la comédie qui lui est cher, il la légitimise carrément comme genre majeur et ô combien difficile. L'Avare est une preuve éclatante du génie de sieur Poquelin : drôle, très rythmé, aux personnages bien trempés et pourtant plein de surprises, la pièce est un morceau de bravoure en termes de moquerie et de cynisme bienveillant. Parce qu'il est l'un des personnages les plus forts de l'oeuvre de Molière, Harpagon transcende son héritage de la commedia dell'arte pour devenir un archétype même des personnages comiques à venir, où le défaut principal devient trait de caractère et moteur de la comédie elle-même. Heureusement d'ailleurs, Molière minimise un peu l'histoire d'amour en toile de fond pour se déchaîner sur les travers inconscients d'Harpagon et dresser le portrait de l'Homme moyen, celui que l'on connaît tous. Si l'appellation "classique incontournable" a encore un sens, il est sûr qu'elle convient à ce monument de l'histoire du théâtre.